Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/35

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noblesse ; maintenant que vous êtes roi, vous abandonnez vos titres, votre royaume, le fruit de tant d’adresse et d’industrie, et tout cela pourquoi ? pour une femme qui gronde et un enfant qui menace !

— Croix-Dieu ! dit Mandreville, si l’avis de l’archevêque n’est pas le meilleur que j’aie entendu de ma vie, je veux perdre ma place du paradis. Oui, Henri est un roi faible et imbécile ; c’est un enfant que votre roi, chétif arbrisseau qu’emportera le premier souffle d’une révolution.

— Eh bien soit, dit le Guisard, en prenant sa moustache, soit, je me moque aussi bien d’Henri que du poignard de ses assassins, et puisque la mort doit venir, qu’elle vienne me prendre d’un coup de stylet ou dans mon lit, peu m’importe, « car mes affaires sont réduites en tels termes que je la verrais entrer par la fenêtre, je ne voudrais pas sortir par la porte pour fuir ». (Historique.)

— Vive le duc de Guise ! vive le duc de Guise !

À ce cri ils se retirèrent, puis bientôt l’on n’entendit plus que le bruit de leurs bottes éperonnées qui résonnaient sur les dalles du grand escalier.

II

charlotte de beaune.

Le duc de Guise était revenu à sa place, quand deux coups de marteaux résonnèrent à la porte. Une jeune femme entra, ses dents claquaient, ses cheveux étaient en désordre, ses yeux égarés, ses lèvres tremblaient et une pâleur livide était empreinte sur tous ses traits.

— Oh ! cher Balafré, dit-elle en entrant, tu ne sais pas tout ce que j’ai souffert ; oui, j’étais là à épier le moment, l’instant, la minute où je pourrais te parler.

— Qu’as-tu à me dire ?