Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/410

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jeté avant d’entrer, comme un masque de théâtre ou un habit d’arlequin.

Dites-moi maintenant que la vie n’est pas une ignoble farce, puisque le prêtre jette son Dieu pour entrer chez la fille de joie ! Bravo ! Satan rit, vous voyez bien ; bravo ! il triomphe. Allons j’ai raison ; la vertu c’est le masque, le vice c’est la vérité. Voilà pourquoi peu de gens la disent, c’est qu’elle est trop hideuse à dire. Bravo ! la maison de l’honnête homme c’est le masque, le lupanar c’est la vérité, la couche nuptiale c’est le masque, l’adultère qui s’y consomme c’est la vérité ; la vie c’est le masque, la mort c’est la vérité ; la religion c’est le masque, la fille de joie c’est la vérité ; le bien c’est faux, la mort c’est vrai.

VIII

Ah ! criez bien fort, faiseurs de vertu aux gants jaunes ; criez bien fort, vous qui parlez de morale et entretenez des danseuses ; criez fort, vous qui faites plus pour votre chien que pour votre laquais ; criez fort, vous qui condamnez à mort l’homme qui tue par besoin, vous qui tuez par mépris ; criez fort, juges dont la robe est rouge de sang ; criez fort, vous qui montez chaque jour à votre tribunal sur les têtes que vous y avez abattues ; criez fort, ministres aux mains crochues, vous qui vous vantez des places accordées à l’époux et payées par sa femme par sa pauvre femme qui vous demande pardon, grâce, pitié, merci, qui embrassait vos genoux, qui se cramponnait au drap bleu de votre bureau aux pieds d’or, qui se cachait les yeux dans les draps rouges de vos fenêtres, vous qui avez brisé son honneur, vous dont la bouche a dit : cet homme sera directeur des postes, et qui en même temps avez craché sur le visage de sa femme !