Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/537

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sait faire tant de bassesses, où est-elle ? est-il un lieu assez saint pour la recevoir ? Tu te respectes et tu t’honores comme un Dieu, tu as inventé l’idée de dignité de l’homme, idée que rien dans la nature ne pourrait avoir en te voyant ; tu veux qu’on t’honore et tu t’honores toi-même, tu veux même que ce corps, si vil pendant sa vie, soit honoré quand il n’est plus. Tu veux qu’on se découvre devant ta charogne humaine, qui se pourrit de corruption, quoique plus pure encore que toi quand tu vivais. C’est là ta grandeur, grandeur de poussière ! majesté du néant !

XXI

J’y revins deux ans plus tard ; vous pensez où… ; elle n’y était pas.

Son mari était seul venu avec une autre femme, et il en était parti deux jours avant mon arrivée.

Je retournai sur le rivage ; comme il était vide ! De là, je pouvais voir le mur gris de la maison de Maria ; quel isolement !

Je revins donc dans cette même salle dont je vous ai parlé ; elle était pleine, mais aucun des visages n’y était plus, les tables étaient prises par des gens que je n’avais jamais vus ; celle de Maria était occupée par une vieille femme, qui s’appuyait à cette même place où si souvent son coude s’était posé.

Je restai ainsi quinze jours ; il fit quelques jours de mauvais temps et de pluie que je passai dans ma chambre où j’entendais la pluie tomber sur les ardoises, le bruit lointain de la mer, et, de temps en temps, quelques cris de marins sur le quai ; je repensai à toutes ces vieilles choses que le spectacle des mêmes lieux faisait revivre.

Je revoyais le même océan avec ses mêmes vagues, toujours immense, triste et mugissant sur ces rochers ;