Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/109

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Jules au bras d’Henry, un jour qu’ils passaient sur le pont, au pied du calvaire qui est là.

Mlle Lucinde et Mme Artémise s’avançaient devant eux.

— Qu’en dis-tu ? — ajouta-t-il quand elles furent passées, l’as-tu bien vue ?

— Oui…

— Eh bien ?

— Elle n’est pas mal.

— Je le crois, fit Jules en riant.

— Il me semble qu’elle a les yeux petits, reprit Henry.

— Allons donc ! elle les a très grands au contraire, c’est qu’elle les baissait ; mais as-tu remarqué sa taille ?

— Non.

— Et ses cheveux ? ses cheveux, surtout !

— Comment veux-tu…

— Il faut la voir de près, c’est quand on lui parle qu’elle est belle, tout son visage alors s’éclaire et sourit.

Il eût voulu qu’Henry, s’associant de suite à son admiration, en détaillât comme lui toutes les causes, ainsi que, par un beau clair de lune, on souffre à voir quelqu’un qui ne vous répond rien quand vous lui dites : Vois donc ces perles d’or qui roulent dans le fleuve, et ce brouillard d’argent qui estompe les collines, comme les étoiles brillent ! comme l’air est doux ! entends-tu le rossignol ?

De même pour son drame, Henry l’avait bien écouté et approuvé, mais il avait laissé mille endroits sans rien dire. Il eût fallu d’abord discuter le plan, puis commenter chaque scène, critiquer le style en détail et l’approuver dans son ensemble, il n’avait pas fait assez de remarques, il en avait trop peu causé, il n’y revenait pas sans cesse, comme l’eût désiré l’auteur.

Ils n’étaient pas tout à fait du même avis sur la littérature. Jules avait gardé ses vieilles admirations d’autrefois ; Henry, qui lisait plus de journaux, en