Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/21

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pension rêveuse ; c’était pour lui, comme pour d’autres, le chant du coq ou l’angélus.

Un jour, c’était, je crois, au mois de janvier, elle entra dans sa chambre, il était seul ; elle montait au grenier, où elle avait à faire, et entrait là en passant, elle ouvrit la porte tout doucement, en souriant ; Henry, accoudé sur sa table, la tête dans ses mains, se détourna au bruit qu’elle fit en marchant sur le parquet.

— C’est moi, dit-elle, je vous dérange ?

— Oh ! non, entrez.

— Ce n’est pas la peine… merci… je n’ai pas le temps.

Et elle s’appuya du coude sur le coin de la cheminée, comme pour se soutenir.

Henry s’était levé.

— Ne vous dérangez donc pas, continuez ce que vous faisiez, je vous en prie, restez à votre place.

Il obéit, et ne sachant quoi trouver à lui dire il resta la bouche fermée. Mme Émilie, debout, regardait ses cheveux et le haut de son front.

— Vous travaillez donc toujours ? continua-t-elle, jamais vous ne sortez ; vous avez vraiment une conduite… exemplaire pour un jeune homme.

— Vous croyez ? fit Henry d’un air qu’il aurait voulu rendre fin.

— On le dirait du moins, reprit-elle en clignant les yeux et en lui envoyant un étrange regard à travers ses longs cils rapprochés, geste charmant dans sa figure et qu’elle faisait toujours en penchant un peu la tête sur l’épaule et en relevant le coin des lèvres. Vous ne vous amusez donc jamais ? vous vous fatiguerez.

— Mais à quoi m’amuser ? à quoi m’amuser ? répéta Henry, qui s’apitoyait sur lui-même et pensait bien plus à la demande qu’à la réponse.

— Ainsi il n’y a que les livres qui vous plaisent ?