Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/237

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der les belles filles de la Provence danser des sarabandes à l’ombre des oliviers. De temps à autre aussi, il s’échappait jusqu’à Marseille, avec deux ou trois drôles de ses amis, pour aller manger de la bouillabaisse à la Réserve, ou faire une partie de pêche au thon dans la baie aux Oursins.

Il allait aussi dans le monde, c’est-à-dire au bal et dîner en ville ; on le recherchait, on l’invitait ; c’était, ma foi, un charmant jeune homme, qui plaisait aux messieurs et ne déplaisait pas aux dames.

Il y en avait même une, une petite à grands yeux noirs et à cheveux crépus, qui commençait à le regarder d’une façon fort tendre et à lui envoyer, dans le discours, de ces phrases équivoques que l’on peut prendre en bonne part ; déjà même Henry s’était fait présenter chez elle et il attendait l’occasion de rendre un service à son mari. Mais n’anticipons pas sur l’histoire.

Quant à Mme Renaud, après être restée quelque temps chez son amie Aglaé, elle retourna demeurer sous le toit conjugal, ce qui fut le résultat des manœuvres habiles de Mme Dubois, qui parvint enfin à réunir les deux époux, après une entrevue solennelle qu’elle leur avait ménagée chez elle-même et qui se passa sans évanouissement ni sanglots. M. Renaud fut encore bien content de reprendre sa femme, et il consentit à tout oublier avec le plus généreux des pardons.

La prospérité de son établissement ne s’était point ressentie de tous ses troubles domestiques, et il n’avait pas entendu dire que son amour pour Catherine fût connu ni que Mendès eût bavardé. Ce qu’il ne savait pas, c’est que ce dernier était son rival, et rival heureux, qui, en conséquence, se taisait. Le soir même du jour où il avait surpris Catherine assise sur les genoux du père Renaud et lui tirant les oreilles, il fut la trouver et lui exposa clairement que désormais, maître