Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/25

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cheminée, elle étendit un pied, puis le second, et y chauffa tout debout la semelle de ses bottines noires, tout en se regardant dans la glace et rajustant ses bandeaux, qu’elle lissait avec la paume des mains.

— Quelle jolie boîte vous avez là ! dit-elle en prenant le petit coffre d’acajou garni de clous d’acier qui était sur la cheminée entre les deux flambeaux de cuivre, qu’est-ce qu’il y a dedans ?

— J’y mets mes lettres.

— C’est votre correspondance ? Oh ! vous la fermez à clef.

Et passant encore à un autre sujet de discours :

— Êtes-vous bien dans votre chambre ?

— Vous voyez, répondit Henry, j’y reste toujours.

— Elle est bien, cette chambre-là, tout à fait comme la mienne en bas ; vous ne la connaissez pas, je crois ? vous n’y êtes jamais entré ?

— Jamais

— J’aime mieux celle-ci, elle est plus grande ; d’ailleurs je l’ai longtemps habitée, avant que vous ne veniez j’y demeurais.

— Ah ! vous l’avez habitée ? dit Henry.

— Il va falloir que je vous quitte, dit-elle tout à coup, j’ai ce soir du monde à dîner, vous descendrez de bonne heure, n’est-ce pas ?

Elle s’écarta de la table d’Henry, elle s’en allait. En passant près du lit elle s’arrêta, et voyant le portrait à l’aquarelle qui était croché au delà sur la muraille :

— C’est votre sœur, je crois ? vous ne m’aviez pas dit que vous eussiez une sœur ; comment l’appelez-vous ?

— Louise.

— Louise ! j’aime ce nom-là… Mais je ne peux la voir d’ici, il fait déjà sombre et le rideau me la cache.

Elle écarta le rideau qui couvrait le pied de la couche et le repoussa contre la muraille, puis elle revint vers le milieu du lit et se pencha dessus pour