Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/259

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qu’on aimait à promener en ces lieux parce que ça rappelait des souvenirs, déclama aussitôt une douzaine de vers de Mme Desbordes-Valmore, écrivit ensuite son nom sur la muraille, et s’en alla enfin, l’âme pleine de poésie, disait-il.

Il dit un adieu sans retour à la jeune fille chargée de son innocence et au vieillard accablé de son air vénérable, l’expérience lui ayant vite appris qu’il ne faut pas toujours reconnaître quelque chose d’angélique dans les premières ou de patriarcal dans les seconds.

Naturellement peu bucolique, la bergère des Alpes, dans son chalet, lui sembla la chose du monde la plus commune ; n’y fait-elle pas ses fromages tout comme une Basse-Normande ? Il se réconcilia cependant avec les bergers, ayant vu, au fond de la Bretagne, un chevrier couvert d’une peau de loup et avec la belle mine du plus affreux gredin qui soit sur la terre.

Il relut ce qu’il pouvait comprendre des bardes et des trouvères, et il s’avoua franchement qu’il fallait être drôlement constitué pour trouver tout cela sublime, en même temps néanmoins que les beautés réelles qu’il y revit le frappèrent davantage.

En somme, il fit bon marché de tous les fragments de chants populaires, traduction de poèmes étrangers, hymnes de barbares, odes de cannibales, chansonnettes d’Esquimaux, et autres fatras inédits dont on nous assomme depuis vingt ans. Petit à petit même, il se défit de ces prédilections niaises que nous avons malgré nous pour des œuvres médiocres, goûts dépravés qui nous viennent de bonne heure et dont l’esthétique n’a pas encore découvert la cause.

Donc, pour se guérir de cette manie, il s’adonna à l’étude d’ouvrages offrant des caractères différents du sien, une manière de sentir écartée de la sienne, et des façons de style qui n’étaient pas du genre de son style. Ce qu’il aimait à trouver, c’était le dévelop-