Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/287

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Quand il faisait les yeux doux à cette dame maigre, qui parlait d’une façon si prétentieuse et portait une couronne de laurier dans ses cheveux, c’est qu’il voulait trouver quelqu’un à qui parler délicatement des choses délicates de la poésie, qui pût lui donner sans intermédiaire tout ce qu’il rencontrait de beau dans les endroits tendres des livres, qu’il croyait enfin découvrir le génie, et qu’il enviait d’en approcher et de le dominer.

Ce qui eut lieu avec ces trois femmes lui advint également dans ses autres rencontres, avec celles qu’il eut ensuite ou celles qu’il voulut avoir.

D’abord il étudiait leur caractère — en cela il mettait de l’habileté — mais, malgré lui, il prenait quelque chose de cette nature dont il suivait attentivement toutes les sinuosités et les penchants ; il exagérait ses enthousiasmes, outrait ses antipathies, entrait dans ses propensions, de sorte qu’en se traînant à sa remorque il l’attirait vers lui et menait l’aventure à son but.

À mesure que la femme qui l’aimait l’aimait davantage, il reprenait du terrain, redevenait lui-même, le courant de son cœur rentrait dans son lit normal ; peu à peu la passion arrivait à sa fin, en suivant une ligne pareille à celle qui l’avait amenée à son apogée, ainsi que l’amateur, aux montagnes russes, qui monte par un côté et descend par l’autre ; mais le voyage se fait plus vite en descendant qu’en montant, aussi y-a-t-il d’ordinaire, en bas, quelque choc violent qui amène des cris.

Quelle surprise, quelle douleur pour ceux qui tombent de si haut ! les cœurs faibles — ce sont quelquefois les plus forts — s’y brisent et en meurent du coup ; leur chute en effet est multipliée par le carré de la vitesse.

Eh ! pourquoi pas ? brave lecteur, pourquoi froncez-vous le sourcil et trouvez-vous la comparaison un peu