Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/337

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La Sultane favorite sort de la foule pour aller embrasser Pierrot. — Il la repousse du bout de son long chibouk ; — et lance sur l’assemblée des regards sévères.


Scène II.

À la nouvelle que Pierrot est devenu sultan, Colombine, accourant pleine de joie, monte les degrés du trône pour s’aller précipiter dans ses bras. — Il la renverse d’un coup de pied dans le cul et se rasseoit majestueusement. — Il fait signe alors à toutes les femmes de venir lui baiser les pieds ; — ce qu’elles exécutent, y compris même la Sultane et Colombine, malgré leur répugnance bien concevable. — Pendant que ces deux dernières s’acquittent de cette humiliante fonction, Pierrot a le sabre levé sur leurs têtes pour les tuer impitoyablement, si elles bronchent.


Scène III.

Quand le baisement des pieds est fini, il se fait apporter à manger. — Il mange, dévore, s’empiffre ; — il s’impatiente quand on le sert mal ; — il jette les bouteilles à la tête des gens. — Il est féroce d’orgueil, ivre de grandeur. — Lorsqu’on a enlevé la table de devant lui, on voit son ventre considérablement grossi.

Il manifeste le contentement de sa digestion et s’épanouit à loisir. — Bientôt des idées gaillardes lui viennent ; — il se fait un abat-jour avec sa main et considère les femmes. — Il tire de dessous le trône (où il y a un coffre spécial) un mouchoir qu’il jette à l’une d’elles. — Puis il croit s’être trompé ; — après quelque hésitation il jette un second mouchoir à une seconde femme. — Troisième, quatrième mouchoir. — Enfin, s’allumant de plus en plus, Pierrot empoigne les mouchoirs à vrac et les jette tous en pluie sur la scène. — Bataille générale des femmes, grande confusion, majesté de Pierrot.


Scène IV.

Tout à coup entrent, au milieu du brouhaha, le Père de Pierrot et le Maître de pension. (Le Père : en costume de voyage, bourré d’habits, on ne peut plus couvert de poussière, redingote en peau de taupe ; grandes guêtres jusqu’au ventre, casquette à double visière, une valise sous le bras avec une botte qui dépasse par chaque bout. — Le Maître de pension est dans le costume du 1er acte, sans paquets, excessivement couvert de poussière, des chaussons de lisière par-dessus ses souliers, un Cicéron sous le bras, et il porte son riflard dans un bel étui de toile bleue.)