Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/353

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Quoique à regret éloigne un sentiment aimable,
Je pensais à mon père, Elfrid, et je pleurais.

Elfrid.

Plein des mêmes pensers, Hermance, j’accourais…
Épanchant les pavots dont son urne est remplie,
Morphée a-t-il calmé sa noire maladie ?
L’oracle d’Épidaure aux sévères arrêts
Permet-il à sa faim les présents de Cérès ?
D’un doigt observateur la rare intelligence,
Du sang dans ses canaux mesurant la cadence,
A-t-il rendu l’espoir à ces nombreux amis
Qu’autour du vieux guerrier l’estime a réunis ?
Hélas ! où retrouver ce terrible courage,
Qui naguère aux combats répandait le carnage ?
Qu’est devenu ce bras, cet invincible bras,
Terreur des ennemis et soutien des États,
Qui, promenant la mort sur les champs de batailles,
Abreuvait les sillons d’impures funérailles ?
Languissant aujourd’hui, sans force, sans vigueur,
Accablé sous le poids d’une longue douleur,
Pourrait-il soulever cette vaillante épée
Que du sang des vaincus les guerres ont trempée ?
Coursiers, fiers compagnons de l’illustre Gonnor,
Vous, dont la noble ardeur dans le repos s’endort
Et qui, chaque matin, oubliant la pâture,
Semblez de son trépas présager l’aventure,
On ne vous verra plus, par Bellone emportés,
Sous vos pieds triomphants ébranler les cités !
Et c’est vous qui bientôt traînerez sa poussière
Alors qu’il gagnera sa demeure dernière !

Hermance cache sa tête dans ses mains.

Scène VI.

(Arrivée d’un garde effaré.)
Elfrid.

Mais… quel garde, couvert de poudre et de sueur,
Se hâte vers ces lieux… et présage un malheur ?

Le Garde.

Seigneur, vous l’avez dit, car bientôt cette terre
Ne sera pour nous tous qu’un enclos funéraire.