Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/356

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Elfrid.

Qu’avez-vous ? Qui vous trouble ? Ô guerrier que j’honore,
D’où vient que vous tremblez et pâlissez encore ?

Ismène.

Le suc délicieux exprimé du roseau,
Qui fond en un moment dans le cristal de l’eau
Et qu’on mêle au parfum du fruit des Hespérides,
Peut-il porter le baume à vos lèvres arides ?

Le Garde, se pressant le ventre.

Ô dieux ! un feu secret me déchire les flancs !

Ismène.

Ne puis-je, pour calmer ces désordres brûlants,
Rafraîchir d’une main complaisante et timide
Vos entrailles en feu, sous la rosée humide ?
Et pousser, à l’écart, doucement ajusté
Le tube tortueux d’où jaillit la santé ?

Le Garde.

Ô souffrance ! ô douleur ! ô cruelle torture !
Que de maux je subis ! quels supplices j’endure !
De mon sein haletant le souffle est suspendu
Et la peste fermente en mon sang corrompu ;
Sur mes mains, sur mes bras, jusque sur mon visage,
Le mal en traits de feu signale son passage.
Si de mes vêtements je détachais le fer
On frémirait à voir ce tableau de l’enfer :
Les flammes de l’Etna, les neiges d’Hyrcanie,
Alternant leurs fureurs se disputent ma vie.
Je frémis… je chancelle… et tombe sous le faix…
Et l’avide Achéron…

Il tombe.
Ismène.

Et l’avide Achéron… Malheureux ! Je l’aimais !