Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/135

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Elle presse, l’une après l’autre, ses mamelles. Toutes sont vides ! Mais sous un effort désespéré sa gaine éclate. Elle la saisit par le bas, comme le pan d’une robe, y jette ses animaux, ses floraisons, — puis rentre dans l’obscurité.
Et au loin, des voix murmurent, grondent, rugissent, brament et beuglent. L’épaisseur de la nuit est augmentée par des haleines. Les gouttes d’une pluie chaude tombent.
antoine.

Comme c’est bon, le parfum des palmiers, le frémissement des feuilles vertes, la transparence des sources ! Je voudrais me coucher tout à plat sur la terre pour la sentir contre mon cœur ; et ma vie se retremperait dans sa jeunesse éternelle !

Il entend un bruit de castagnettes et de cymbales ; — et, au milieu d’une foule rustique, des hommes, vêtus de tuniques blanches à bandes rouges, amènent un âne, enharnaché richement, la queue ornée de rubans, les sabots peints.
Une boîte, couverte d’une housse en toile jaune, ballotte sur son dos entre deux corbeilles ; l’une reçoit les offrandes qu’on y place : œufs, raisins, poires et fromages, volailles, petites monnaies ; et la seconde est pleine de roses, que les conducteurs de l’âne effeuillent devant lui, tout en marchant.
Ils ont des pendants d’oreilles, de grands manteaux, les cheveux nattés, les joues fardées ; une couronne d’olivier se ferme sur leur front par un médaillon à figurine ; des poignards sont passés dans leur ceinture ; et ils secouent des fouets à manche d’ébène, ayant trois lanières garnies d’osselets.
Les derniers du cortège posent sur le sol, droit comme un candélabre, un grand pin qui brûle par le sommet, et dont les rameaux les plus bas ombragent un petit mouton.
L’âne s’est arrêté. On retire la housse. Il y a, en dessous, une seconde enveloppe de feutre noir. Alors, un