Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

membres. Mais je n’ai pas celui qui me rendait féconde !

Elle pousse des lamentations aiguës.
antoine
est pris de fureur. Il lui jette des cailloux, en l’injuriant.

Impudique ! va-t’en, va-t’en !

hilarion.

Respecte-la ! C’était la religion de tes aïeux ! tu as porté ses amulettes dans ton berceau.

isis.

Autrefois, quand revenait l’été, l’inondation chassait vers le désert les bêtes impures. Les digues s’ouvraient, les barques s’entre-choquaient, la terre haletante buvait le fleuve avec ivresse, dieu à cornes de taureau tu t’étalais sur ma poitrine — et on entendait le mugissement de la vache éternelle !

Les semailles, les récoltes, le battage des grains et les vendanges se succédaient régulièrement, d’après l’alternance des saisons. Dans les nuits toujours pures, de larges étoiles rayonnaient. Les jours étaient baignés d’une invariable splendeur. On voyait, comme un couple royal, le Soleil et la Lune à chaque côté de l’horizon.

Nous trônions tous les deux dans un monde plus sublime, monarques-jumeaux, époux dès le sein de l’éternité, — lui, tenant un sceptre à tête de coucoupha, moi un sceptre à fleur de lotus, debout l’un et l’autre, les mains jointes ; — et les