Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/182

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Mais elle est plus grande, blonde comme le miel, très grasse, avec du fard sur les joues et des roses sur la tête. Sa longue robe chargée de paillettes a des miroitements métalliques ; ses lèvres charnues paraissent sanguinolentes, et ses paupières un peu lourdes sont tellement noyées de langueur qu’on la dirait aveugle.
Elle murmure :

Vis donc, jouis donc ! Salomon recommande la joie ! Va comme ton cœur te mène et selon le désir de tes yeux !

antoine.

Quelle joie trouver ? mon cœur est las, mes yeux sont troubles !

elle
reprend :

Gagne le faubourg de Racotis, pousse une porte peinte en bleu ; et quand tu seras dans l’atrium où murmure un jet d’eau, une femme se présentera — en péplos de soie blanche lamé d’or, les cheveux dénoués, le rire pareil au claquement des crotales. Elle est habile. Tu goûteras dans sa caresse l’orgueil d’une initiation et l’apaisement d’un besoin.

Tu ne connais pas, non plus, le trouble des adultères, les escalades, les enlèvements, la joie de voir toute nue celle qu’on respectait habillée.

As-tu serré contre ta poitrine une vierge qui t’aimait ? Te rappelles-tu les abandons de sa pudeur, et ses remords qui s’en allaient sous un flux de larmes douces !

Tu peux, n’est-ce pas, vous apercevoir marchant dans les bois sous la lumière de la lune ? À la pression de vos mains jointes un frémissement