Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la luxure.

D’ailleurs on peut garder la continence tout de même, on fait un serment et l’on est lié ; mais au moins tu aurais une compagne qui, mieux que l’ami et plus doucement que le livre, apaiserait ton chagrin.

Adam, le jour qui commença son exil, s’en consola presque, le soir, en sentant sur son front la bouche d’Ève qui s’y collait ; elle lui passait la main sur le visage, et ils trouvaient dans leurs regards des profondeurs aussi douces que dans l’horizon céleste qu’ils avaient perdu. Si tu savais comme elles s’entendent à panser les plaies et comme les amertumes les plus froides se fondent sous leur sourire ! C’est à cause d’elles que naissent les mélancolies de la vie, soit qu’elles les provoquent ou les éloignent, — et de sa pente native toujours le cœur de l’homme, comme les fleuves à l’Océan, ira se déversant dans leur tendresse.

Silence.
la logique.

Jésus avait des femmes qui l’escortaient, il était Dieu cependant ! Pourquoi toi n’en prendrais-tu pas une ?

la luxure.

Pourquoi donc, comme un autre homme, ne prendrais-tu pas une compagne ?

l’avarice.

Une matrone soigneuse, qui ménagerait ton bien, qui rendrait propre ta maison ; l’argenterie serait claire, les buffets luisants.

la gourmandise.

Dans des plats creux qu’on tient par des anneaux elle t’apporterait des tranches de viandes fumant au milieu d’une sauce épaisse.

la luxure.

Elle serait à toi, à toi seul ; toujours vêtue pour les autres, elle se déshabillerait pour toi seul, vous ne craindriez personne… et tous les jours comme ça… dans votre petit lit.

la logique.

Ah ! Il ne fallait pas, dès ta jeunesse, vouloir à fleur de terre