Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/292

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car enfin tous ces gens, qui étaient morts, vous ne les aviez pas connus.

apollonius.

Le Roi m’a reçu sur son trône, dans une salle ronde, sous un dôme de saphir d’où pendaient à des fils que l’on n’apercevait pas quatre grands oiseaux d’or, les ailes étendues.

antoine
réfléchissant.

Je n’ai jamais vu de choses pareilles, moi.

damis.

C’est là une ville, cette Babylone ; tout le monde y est riche, les rues sont sablées, les maisons ont une porte qui s’ouvre sur le fleuve.

Dessinant sur la terre avec son bâton :

Voyez-vous ?… comme cela.

Et puis ce sont des tours, des temples, des bains, des places plantées, des aqueducs, des promenades ; les palais sont couverts de cuivre rouge… Et l’intérieur donc ! si vous saviez ! ce n’est qu’argent, ivoire et tapisseries ; elles représentent des fables grecques, et rien ne m’amusait plus que d’en reconnaître les sujets. Chez mon hôte il y en avait une, toute tissue de perles, qui figurait Orphée au milieu des lynx ; il avait sa lyre, une tiare persique et des caleçons.

apollonius.

Sur la muraille extérieure du temple de Bélus, haute de deux cents coudées, large de cinquante, s’élève une tour de marbre blanc qui en supporte une seconde, qui en supporte une troisième, puis une quatrième et une cinquième, et il y en a trois autres encore ; on y monte par des escaliers extérieurs, qui tournent au flanc des tours comme des serpents. Ces tours sont des tombeaux. La huitième est une chapelle ; il y a dedans un grand lit magnifique, et près du lit une table d’or. Personne n’y entre, si ce n’est la femme que les prêtres ont choisie pour le dieu Bélus, lorsqu’il y doit venir passer la nuit : c’est là que le Roi de Babylone me fit loger.

damis.

J’aurais bien voulu la voir, moi ; mais cela m’était défendu, je n’ai pas pu.