Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/467

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forme ovale ; dans les corbeilles il y a des pieds de laitues et dans les urnes une pommade rose.
Des femmes sans ceintures et qui marchent pieds nus suivent le catafalque d’un air inquiet ; leurs grandes chevelures toutes défaites tombent sur leurs épaules et s’agitent le long de leur corps ; de la main gauche elles ramènent sur leur sein les plis de leurs robes traînantes et dans la droite tiennent de gros bouquets de fleurs, ou des fioles de verre pleines d’huile.
Elles sanglotent tout bas, elles se rapprochent du catafalque et parlent entre elles.
les femmes.

Beau ! Beau ! il est beau ! réveille-toi ! assez dormi ! lève donc la tête ! debout ! debout !

Elles s’assoient par terre.

Ah ! il est mort ! il n’ouvrira pas les yeux ; les mains sur les hanches et le pied droit en l’air, il ne tournera plus sur le talon gauche. Pleurons, désolons-nous, crions toutes à la fois !

Elles poussent des cris. Silence. On entend pétiller la mèche des flambeaux, dont des gouttes arrachées par le vent tombent sur le cadavre de cire et lui fondent les joues.
Les femmes se relèvent et s’approchent du lit plus près.

Comment nous y prendre ? qu’a-t-il ? que ferons-nous maintenant ? chatouillons-le ! frappons-lui dans les mains… là… là… respire nos bouquets ! ce sont des narcisses et des anémones que nous avons cueillis dans tes jardins. Ranime-toi, tu nous fais peur !

Oh ! comme il est raide déjà !

Elles le touchent.

Il est tout froid, voilà ses yeux qui coulent par les bords, ses genoux sont tordus, et la peinture de son visage a descendu sur la pourpre.

Parle ! nous sommes à toi ! que te faut-il ? veux-tu boire du vin ? veux-tu coucher dans nos lits ? veux-tu manger les pains de miel que nous faisons frire dans des poèles, et qui ont la forme de petits oiseaux pour t’amuser davantage ?

Touchons-lui le ventre, baisons-le sur le cœur, cela ranime l’amour ! Tiens ! tiens ! les sens-tu nos doigts chargés de bagues, qui courent sur ton corps, et nos lèvres qui cherchent ta bouche, et nos cheveux qui balaient tes cuisses ? Dieu pâmé, sourd à nos prières !

Antoine se cache la figure avec son bras, le Diable le lui retire brusquement et le pousse plus près encore.