Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/473

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le diable.

Noire et frottée de myrrhe, voilà la grande Diane qui s’avance, les coudes au corps, les mains ouvertes, les pieds joints, avec des lions sur les épaules, des cerfs à son ventre, des abeilles à ses flancs, un collier de chrysanthèmes, un disque de griffons, et ses trois rangées de mamelles pointues qui ballottent à grand bruit les unes sur les autres, pendantes comme des grappes de raisins mûrs ; regarde comme elle les presse d’un air triste pour en faire sortir la dernière goutte ; rien n’en coulera plus ! la peau du corps lui démange sous les vieilles bandelettes qui la serrent.

la mort
riant.

Ah ! ah ! ah !

le diable.

Voici la Laphria des Patréens, l’Hymnia d’Orchomène, la Pyronienne du mont Crathis, Stymphalia à cuisse d’oiseau, Eurynome fille de l’Océan, et toutes les autres Dianes : l’Accoucheuse, la Chasseresse, la Salutaire, la Lucifère et la Protectrice des ports, avec une coiffure d’écrevisses.

antoine.

On a adoré tout cela, pourtant !

le diable
continue :

Ceci, c’est un dieu de l’éloquence, Aïus Locutius, fort honoré jadis ; celle-là qui porte des croûtes blanchâtres sur le front, c’est Rubigo, la déesse de la rogne ; non loin, Angerona qui délivre des inquiétudes, et l’immonde Perfica, inventrice des olisbus si commodes pour les veuves.

Voilà aussi Esculape, fils du Soleil, traîné par des mulets blancs ; le coude sur le bord de son char et le menton dans la main gauche, il a l’air de réfléchir très sérieusement.

la mort.

Fais-toi vivre, immortel !

le diable.

Quelle quantité, hein ? quels bataillons ! cela fourmille, il y en a