Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/500

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antoine
souriant.

Il est vrai ! rien de ce qui tente les autres ne m’a séduit.

Il se remet en prières.
le cochon.

Je mire dans les étangs ma robuste figure. J’aime à me voir : j’ai les pattes minces, les oreilles longues, les yeux petits, le ventre gros.

la voix
plus forte.

Noë s’est enivré, Jacob a menti, Moïse a douté, Salomon a failli, Pierre a renié ; mais toi ?…

antoine.

Avec quoi m’enivrerais-je ? À qui mentirais-je ? Si je doutais, je ne serais pas là ! Moins que personne j’ai failli, et jamais je n’ai renié le Seigneur.

le cochon.

Sincèrement, je ne vois point de créature qui vaille mieux que moi.

Des ombres vagues apparaissent au fond de la scène, on entend des chuchotements. Le vent souffle, la lanterne se balance.
antoine
se remet en prières.

Tu es bénie entre toutes les femmes !…

la voix
répète.

toutes les femmes !…

antoine.

Que ton nom…