Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/520

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son flanc fut percé, c’est du vin qui coula, le vin de la bonne nouvelle que nous honorons dans cette peau de chèvre.

antoine
exaspéré.

Mais les païens n’ont rien fait de si épouvantablement infâme !

les sévériens.

Non ! jamais ! Le vin a germé par la vertu de Satan ! C’est la fureur et la luxure !

les aquariens.

Aussi nous ne buvons que de l’eau, symbole du Verbe.

les astotyrites.

Anathème sur la chair, sur ceux qui en usent, sur ceux qui la prêchent !

antoine.

Eh ! je ne la prêche pas ! je n’en use pas.

Des applaudissements éclatent derrière saint Antoine. Il se détourne et il voit
les manichéens
vêtus de robes noires semées de lunes d’argent, avec des anneaux d’or aux oreilles ; très maigres et les cheveux relevés par des peignes.

Captive dans la matière qu’elle féconde, la divinité…

antoine
s’écrie.

Ah ! impossible, cela !

les manichéens.

Mais dans l’hostie, Antoine, qui est l’hostie ?

Il baisse la tête.

… la divinité s’efforce d’en sortir, afin de rejoindre son principe. Elle s’échappe du repos, de l’action, du geste, du regard,