Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/561

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la gourmandise.

Elle a institué le jeûne !

la paresse.

Son pied me frappe…

l’envie.

Elle me repousse ! Je m’agite continuellement à courir dans son ombre !

l’orgueil
descend une marche de la chapelle, tourne la tête sur l’épaule, entreferme ses paupières et répond :

T’ai-je jamais supplié de me suivre, toi Envie ? Pourquoi viens-tu sucer à ma poitrine le venin qui la gonfle ? Cela te ranime, avoue-le ! Tu te délectes, Avarice, à frotter tes regards sur la dorure de mes palais, — et c’est moi, Colère, qui fais sonner tes tambours ! Ignores-tu donc, Gourmandise imbécile, les illusions que je te donne ? Je cisèle tes plats, je régale tes parasites ! À moi les défis de mangeailles, les paris de boire dont on crève, et la cruauté du goinfre qui digère !

les péchés.

Ah ! comme elle se vante ! comme elle bavarde !

l’orgueil.

Mais toi, Luxure, tu me devrais chérir !

J’emplis le cœur des patriciennes, et c’est là ce qui fait à leur sein ce majestueux mouvement si placide et si beau. J’ai la soie qui bruit, le bracelet qui sonne, la chaussure qui craque, la toilette éhontée, l’œil ouvert et l’âpre excitation que vous envoie l’insolence des attitudes. Je suis l’audace ! je te pousse aux aventures ! Toutes les ignominies se sèchent à mon foyer… Entends-tu hennir d’orgueil les prostitutions triomphantes ?

les péchés.

Eh ! qu’importe, nous souffrons, nous autres !

l’envie.

Non ! Père ! c’est moi qu’il faut plaindre. Mes ongles sont usés : aiguise-les !