Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/563

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les frénésies de la Colère ! Qu’il s’affame tout à coup devant des festins s’illuminant, qu’il se traîne en rut sur les planches de sa cabane, qu’il se compare aux heureux et qu’il exècre le monde ! Qu’il s’exalte dans la pénitence et qu’il éclate d’orgueil ! Qu’il soit à vous ! qu’il soit à moi ! Allez ! convoquez les démons, vos fils et vos petits-fils, avec toutes les fièvres, les fantaisies délirantes et les vastes amertumes.

Le Diable se retire au fond de la scène, s’assoit sur la Paresse, pose la Luxure entre ses jambes et déploie, comme une chauve-souris, ses grandes ailes verdâtres, où les autres Péchés viennent s’abriter.
L’Orgueil, par derrière, passe la tête sur son épaule et le baise au front.
antoine
entre les vertus.

Reviendront-elles ?

l’espérance.

Nous sommes là ! ne crains rien !

la foi
debout, tout droite et immobile.

Crois ce que tu ne vois pas, crois ce que tu ne sais pas, — et ne demande point à voir ce que tu espères, ni à connaître ce que tu adores ! Les profanes n’écoutent que la voix des sens et le témoignage de l’entendement, mais les fils du Christ méprisent leurs sens et s’en rapportent à la parole du Verbe. Car le Verbe est éternel, les sens mourront et l’entendement s’évaporera, comme l’odeur d’un vin répandu !… Espère la grâce pour l’obtenir, garde-la pour qu’elle s’augmente, n’en désespère pas pour qu’elle revienne !

la charité
à genoux, comme auprès d’un moribond.

Jeûne pour les pécheurs, prie pour les idolâtres, macère-toi pour les impurs ! arrache de ton âme toutes les affections du monde ! Moins il y en aura, plus elle se tiendra haute, comme les sapins, sur les montagnes, qui vont diminuant de feuillage, à mesure qu’ils se rapprochent des cieux !

antoine.

Oh ! parlez ! parlez ! Une douceur infinie me pénètre !