Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/592

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le sphinx.

Ô Fantaisie ! Fantaisie ! emporte-moi sur tes ailes pour désennuyer ma tristesse !

la chimère.

Ô inconnu ! inconnu ! je suis amoureuse de tes yeux ! Comme une hyène en chaleur, je tourne autour de toi, sollicitant les fécondations dont le besoin me dévore.

Ouvre la gueule ! lève tes pieds ! monte sur mon dos !

le sphinx.

Mes pieds depuis qu’ils sont à plat ne peuvent plus se relever. Le lichen, comme une dartre, a poussé sur ma bouche. À force de songer, je n’ai plus rien à dire.

la chimère.

Tu mens, Sphinx hypocrite ! J’ai vu ta virilité cachée ! D’où vient toujours que tu m’appelles et me renies ?

le sphinx.

C’est toi, Caprice indomptable, qui passes et tourbillonnes.

la chimère.

Est-ce ma faute ?… Comment ?… Laisse-moi !

Elle aboie.

Houahô ! houahô !

le sphinx.

Tu remues, tu m’échappes !

Il grogne.

Heoûm ! eûm !

la chimère.

Essayons ?… Tu m’écrases !… houahô ! houahô !

La Chimère aboie, le Sphinx gronde, et des papillons monstrueux se mettent à bourdonner, des lézards s’avancent, des chauves-souris voltigent, des crapauds sautent, des chenilles rampent, de grandes araignées se traînent.