Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/629

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cérès
assise dans un char, dont les moyeux sont deux ailes de cygne qui battent l’air ; le char s’arrête et le flambeau, que la déesse porte à la main, s’éteint.

Oui, arrête-toi ! puisque Neptune a cessé de me poursuivre ! puisque j’ai parcouru la terre entière ! Ne va pas plus loin, arrête-toi !

Elle prend de dessous elle une serviette d’or et s’en essuie les yeux.

Hélas ! hélas ! Je ne verrai plus Proserpine resplendissante qui s’ébattait dans les pousses vertes ! Elle est descendue chez Pluton et n’en sortira pas.

Femmes des Athéniens qui portez des cigales d’or dans vos chevelures, vous qui emmaillotez vos enfants avec la robe usée des mystères, qui couchez sur la sarriette sauvage et qui mangez de l’ail pour dissiper la vapeur des parfums, sortant un soir d’automne par la Porte sacrée, derrière le char qui traîne la Corbeille, toutes en rang, la tête basse et les pieds nus, vous ne recevrez plus l’injure obscène ds gens qui vous attendent sur le pont du Céphise !

neptune
empêtré, comme à Elis, dans trois robes, l’une par-dessus l’autre. Il manque de tomber à tous les pas et s’appuie sur son trident.

Qu’est-ce donc ? Je ne puis ni m’étendre sur le rivage, ni courir dans les plaines. On m’a serré les côtes avec des digues, et mes dauphins jusqu’au dernier se sont pourris au fond des eaux. Autrefois j’envahissais la campagne, je faisais trembler la terre, j’étais le Mugissant, l’Inondateur, et la Fortune s’invoquait dans tous mes sacrifices. Des monstres couronnés de vipères jappaient incessamment sur mes récifs pointus. On ne passait par les détroits, on faisait naufrage en doublant les îles.

Heureux celui qui pouvait un jour tirer sur la grève sa galère désarmée, revoir ses vieux parents et suspendre au sec, dans le foyer domestique, le gouvernail de ses voyages !

la mort.

Passe ! passe !