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PLAISIR DU RISQUE ET DE LA LUTTE.




II

QUATRIÈME ÉQUIVALENT DU DEVOIR, TIRÉ DU PLAISIR

DU RISQUE ET DE LA LUTTE.



Il est rare que les sacrifices définitifs se présentent dans la vie comme certains ; le soldat, par exemple, n’est pas certain, loin de là, de tomber dans la mêlée ; il n’y a ici qu’une simple possibilité. En d’autres termes, il y a danger, Or, il faut voir si le danger, même indépendamment de toute idée d’obligation morale, n’est pas un milieu utile au développement de la vie même, un excitant puissant de toutes les facultés, capable de les porter à leur maximum d’énergie et capable aussi de produire un maximum de plaisir.

L’humanité primitive a vécu au milieu du danger ; il doit donc se retrouver encore aujourd’hui chez beaucoup d’hommes une prédisposition naturelle à l’affronter. Le danger était pour ainsi dire le jeu des hommes primitifs, comme le jeu est aujourd’hui pour beaucoup de gens une sorte de simulacre du danger. Ce goût du péril, affronté pour lui-même, se rencontre jusque chez les animaux. Nous trouvons à ce sujet un récit curieux d’un voyageur au Cambodge : « Une troupe de singes vient-elle à apercevoir un crocodile le corps enfoncé dans l’eau, la gueule grande ouverte afin de saisir ce qui passera à sa portée, ils semblent se concerter, s’approchent peu à peu et commencent leur jeu, tour à tour acteurs et spectateurs. Un des