Page:Hérodote - Histoire.djvu/50

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la puissance de Cyrus et des Perses. Tandis qu’il se préparait à cette expédition, un Lydien nommé Sandanis, déjà renommé pour sa sagesse, et qui se rendit encore plus célèbre parmi les Lydiens par le conseil qu’il donna à Crésus, parla ainsi à ce prince : « Ô roi, tu te disposes à faire la guerre à des peuples qui ne sont vêtus que de peaux, qui se nourrissent, non de ce qu’ils voudraient avoir, mais de ce qu’ils ont, parce que leur pays est stérile ; des peuples qui, faute de vin, ne s’abreuvent que d’eau, qui ne connaissent ni les figues, ni rien de bon. Vainqueur, qu’enlèveras-tu à des gens qui n’ont rien ? Vaincu, considère que de biens tu vas perdre ! S’ils goûtent une fois les douceurs de notre pays, ils ne voudront plus y renoncer ; nul moyen pour nous de les chasser. Quant à moi, je rends grâces aux dieux de ce qu’ils n’inspirent pas aux Perses le dessein d’attaquer les Lydiens. » Sandanis ne persuada pas Crésus. Il disait pourtant vrai : les Perses, avant la conquête de la Lydie, ne connaissaient ni le luxe, ni les commodités de la vie.

LXXII. Les Grecs donnent aux Cappadociens le nom de Syriens. Avant la domination des Perses, ces Syriens étaient sujets des Mèdes ; mais alors ils obéissaient à Cyrus : car l’Halys séparait les États des Mèdes de ceux des Lydiens. L’Halys coule d’une montagne d’Arménie (le Taurus), et traverse la Cilicie ; de là, continuant son cours, il a les Matianiens à droite, et les Phrygiens à gauche. Apres avoir passé entre ces deux peuples, il coule vers le nord, renfermant d’un côté les Syriens Cappadociens, et à gauche les Paphlagoniens. Ainsi le fleuve Halys sépare presque toute l’Asie Mineure de la haute Asie, depuis la mer qui est vis-à-vis de Chypre jusqu’au Pont-Euxin. Ce pays entier forme un détroit qui n’a que cinq journées de chemin, pour un bon marcheur.

LXXIII. Crésus partit donc avec son armée pour la Cappadoce, afin d’ajouter ce pays à ses États, animé surtout, et par sa confiance en l’oracle, et par ie désir de venger Astyage, son beau-frère. Astyage, fils de Cyaxare, roi des Mèdes, avait été vaincu et fait prisonnier par Cyrus, fils de Cambyse. Voici comment il était devenu beau-frère de Crésus. Une sédition avait obligé une troupe de $cythes nomades à se retirer secrétement sur les terres de Médie. Cyaxare, fils de Phraorte et petit-fils de Déjocès,