Page:Hardy - Jude l’Obscur.djvu/5

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gements. Il ne devait revenir que le soir, quand le nouveau maître serait arrivé et installé et tout redevenu paisible.

Le forgeron, le bailli et le maître d’école lui-même étaient debout, avec des attitudes perplexes, dans le salon, devant l’instrument. Le maître avait remarqué que, pût-il même l’emporter dans la charrette, il ne saurait qu’en faire lors de son arrivée à Christminster, la ville où il allait, et où précisément il devait habiter d’abord un logement provisoire.

Un petit garçon de onze ans, qui avait assisté tout pensif à l’emballage, se joignit au groupe des hommes, et comme ceux-ci se frottaient le menton, il parla, rougissant au son de sa propre voix :

— Ma tante a acheté un grand hangar de marchand de bois. Et le piano pourrait y tenir peut-être, jusqu’à ce que vous ayez trouvé place pour le mettre, monsieur ?

— Une bonne idée, dit le forgeron.

On décida d’envoyer une députation à la tante du garçon — une vieille fille du pays — afin de lui demander si elle voulait bien garder le piano jusqu’à ce que M. Phillotson l’envoyât chercher. Le forgeron et le bailli s’élancèrent pour s’assurer si l’abri proposé était praticable ; le jeune garçon et le maître restèrent seuls.

— Vous êtes fâché de mon départ, Jude ? demanda le maître avec bienveillance.

Des larmes montèrent aux yeux de l’enfant. Il ne comptait point parmi les élèves réguliers de la classe du jour qui occupait banalement la vie du maître d’école ; mais il avait suivi les cours du soir, seulement depuis que cet instituteur était en fonctions. À