Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/163

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et courtois, mais prompts à la colère et, presque tous, incapables de se contenir quand monte à leur cerveau l’ivresse de la mêlée. Le respect de la parole donnée el la vénération filiale sonl leurs deux religions.

Pour donner quelque idée de tous ces traits à la fois, et en même temps faire admirer un ingénieux artifice du poète, je ne vois rien de mieux à citer que le mariage de Draupadî. Elle est, comme on sait, l’épouse des cinq héros : intolérable scandale dans un milieu social qui n’admet que la stricte monogamie de la femme. Pourtant ce détail, probablement mythique, figurai! avec trop de précision dans la légende consacrée, pour qu’il fût permis de l’éliminer : comment s’y prendre pour le faire admettre ? Qu’on se persuade, d’abord, que dans l’Inde la parole n’est pas seulement sacrée au sens où nous l’entendons : elle est magique, elle est toute puissante; elle oblige, suivant sa teneur matérielle et littérale, contre la loi, contre la morale, contre la volonté de celui qui l’a proférée. Or donc, comme les Pàndavas s’en revenaient à l’ermitage, ramenant Draupadî, ils crièrent de loin à leur mère : « Aujourd’hui encore on nous a fait un présent. » Et Kunti, croyant qu’il s’agissait des aumônes accoutumées, leur répondit : « Jouissez en tous en commun. » Voilà qui est définitif : la mère n’a pu vouloir commander l’inceste ; mais en fait, elle l’a commandé, cela suffit, et ce qui