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introduction

exprimait que, dans la molécule de ce corps, quatre atomes d’hydrogène, représentés par H, sont unis à un atome de carbone et à un atome d’oxygène représentés respectivement par C et O, et que les atomes sont liés les uns aux autres de la façon indiquée par les traits du schéma.

Quelque précise et profonde que pût paraître cette notion, on se rendait bien compte que de tels symboles ne sont que des images dans l’esprit ou des diagrammes sur le papier, et la chimie attendait avec impatience le Newton qui devait découvrir les lois en vertu desquelles les atomes sont unis dans leur constellation, dans la molécule, et forment un ensemble fermé et complet.

Nous savons que ce Newton n’est pas encore venu. Et cependant, peu d’années après le prononcé de la mélancolique sentence de Kékulé (sentence que, soit dit en passant, le maître ne devrait jamais proférer devant ses élèves) surgissait la Stéréochimie, branche nouvelle, aujourd’hui bien développée et pleine de sève, de la science qui nous occupe.

La stéréochimie nous conduit au moins à ce résultat que, l’existence des atomes étant admise, on peut connaître, non seulement leurs liaisons réciproques, mais encore leurs positions relatives dans la molécule. Le symbole précédent de l’alcool méthylique devient maintenant une figure dans l’espace, avec le carbone au centre d’un tétraèdre dont les sommets sont occupés par les trois atomes d’hydrogène et par le groupe oxhydryle (OH).

Nous en étions là il y a vingt-cinq ans, et aujourd’hui nous en sommes encore au même point, ignorant les lois qui régissent la position relative des atomes, bien que, grâce à l’introduction récente de la notion de l’électron, la question paraisse commencer à s’éclaircir, au moins pour les corps à la température du zéro absolu.

Néanmoins pendant ces vingt-années, les recherches ont été poussées plus loin, mais dans une voie différente, où l’on ne s’occupe plus guère de cette architecture symbolique dont les atomes sont les matériaux de construction. En effet, quinze ans après cet arrêt décourageant de Kékulé, naissait un second enfant donnant les plus belles espérances ; c’est la chimie physique, aujourd’hui si florissante. Elle ne grandit pas tout d’un coup : ce n’est presque jamais le cas pour aucune branche de la science ; mais elle se développe à l’ombre comme une jeune plante qui reste d’abord inaperçue, mais qui, sous l’influence du soleil, s’élève et devient un arbre gigantesque.