Page:Hoffmann - Contes posthumes, 1856, trad. Champfleury.djvu/297

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sous la chaise de la marchande, et, envieux de son bonheur, scierait le pied de la chaise sans le moindre bruit. Pata pouf ! la voilà qui tombe au milieu de ses verres et de ses porcelaines, et tout le commerce est à vau-l’eau. Quelle faillite !

MOI. — En vérité, cher cousin, tu m’as déjà appris à mieux voir. Pendant que je laisse errer mes regards dans ce tourbillon bigarré de la foule ondoyante, j’aperçois de côté et d’autres des jeunes filles accompagnées de cuisinières proprement vêtues, qui portent à leur bras de vastes paniers et qui marchandent les provisions dont le marché est couvert. La mise distinguée de ces jeunes filles ne me permet pas de douter qu’elles ne soient au moins de la première bourgeoisie. Comment se fait-il qu’elles viennent au marché ?

LE COUSIN. — Cela peut s’expliquer très facilement. Depuis quelques années, la coutume est d’envoyer au marché même les filles des plus hauts fonctionnaires de l’État, afin de leur apprendre, par la pratique, cette branche de la tenue du ménage qui regarde l’achat des provisions.

MOI. — En effet, c’est une louable coutume qui, en sus de l’avantage pratique, doit conduire en outre à des manières de voir toutes domestiques.

LE COUSIN. — Crois-tu, cousin ? Eh bien, quant à moi, je pense tout le contraire. Quel but peut-on avoir en faisant ses achats soi-même, sinon de s’assurer de la qualité de la marchandise et de la véracité des prix ? Les qualités, la mine, les marques d’un bon légume, de la viande fraîche, une ménagère débutante peut apprendre tout cela très facilement d’une autre manière ; et la petite épargne que l’on