Page:Hoffmann - Contes posthumes, 1856, trad. Champfleury.djvu/299

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frontée cuisinière retire sans se gêner cette tête de son panier, la remet dans celui de la marchande, et en choisit une autre, sans compter qu’on peut voir, aux secousses violentes de sa lourde tête ornée de dentelles, qu’elle accable de reproches la pauvre petite qui, pour la première fois, avait voulu choisir à son gré.

LE COUSIN. — Comment te figures-tu les sentiments de cette jeune fille dont on veut à toute force faire une ménagère, ce à quoi s’oppose tout à fait sa délicatesse d’esprit. Je connais cette charmante petite ; c’est la fille d’un haut conseiller secret, une nature naturelle, éloignée de toute afféterie, animée des vrais sentiments de son sexe et douée de ce tact exquis, de cette intelligence toujours sûre d’elle-même, spéciale aux femmes de cette sorte. — Ho ! ho ! cousin, voilà une heureuse rencontre. Ici, au coin, vois-tu venir la contre-partie de ce tableau. Comment trouves-tu cette jeune fille, cousin ?

MOI. — Oh ! quelle tournure svelte et mignonne ; — jeune, — alerte, — regardant le monde autour d’elle d’un œil libre et hardi. — Au ciel, toujours l’éclat du soleil ; — dans les airs, toujours joyeuse musique. — Comme elle s’avance fière et sans gêne au milieu de la foule pressée ! — La servante qui la suit avec un panier ne semble pas plus vieille qu’elle, et une certaine cordialité semble régner entre ces deux femmes. — La demoiselle est bien habillée ; — le châle est moderne, — le chapeau très convenable pour une toilette du matin, aussi bien que la robe qui est de fort bon goût. — Tout est bien convenable. — Ah ! mon Dieu, que vois-je ? La demoiselle a mis des souliers de satin blanc ! — Une chaussure de bal usée pour venir au marché !