Page:Hoffmann - Contes posthumes, 1856, trad. Champfleury.djvu/303

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d’auteur, je demandai avec une indifférence simulée comment la jeune fille trouvait ce livre. — Eh ! mon cher monsieur, c’est un tout drôle de livre ; d’abord il vous trouble la tête, mais bientôt c’est absolument comme si on était assis au beau milieu de l’histoire. À ma surprise très grande, la jeune fille s’empressa de raconter le roman si nettement et si bien, que je compris qu’elle avait du déjà le lire plusieurs fois. — Quel livre singulier ! reprit-elle ; parfois il m’a fait rire de tout cœur, puis, d’autre fois, j’avais envie de pleurer. Je vous conseille, si vous ne l’avez pas encore lu, d’aller le chercher après-midi chez M. Kralowski, car c’est cette après-midi que je change mes livres. Le moment devenait solennel. Les yeux baissés, d’une voix d’une douceur comparable à celle du miel de l’Hybla, le sourire béat d’un auteur dans l’enchantement, je me mis à gazouiller : — Mon doux ange, l’auteur de ce livre, qui vous a tant fait plaisir, est devant vous en personne... C’est moi ! La jeune fille me regarda de ses grands yeux, et resta sans rien dire la bouche ouverte. Je prenais cette manifestation pour l’expression du plus grand étonnement, d’un certain effroi joyeux, de voir le sublime génie qui avait fait une pareille œuvre apparaître tout à coup près des géraniums. — Peut-être, me dis-je en voyant que la figure de la jeune fille ne changeait pas, peut-être ne peut-elle croire à l’heureux hasard qui amène près d’elle le fameux auteur de ***. Je cherchai à établir mon identité par tous les moyens possibles, mais on eût dit que la fleuriste était pétrifiée ; de ses lèvres il ne s’échappait pas autre chose que des : — Hum ! — Vraiment ! — Tiens, tiens, tiens ! Mais comment te décrire la honte qui me saisit au