Page:Hoffmann - Contes posthumes, 1856, trad. Champfleury.djvu/308

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dans une petite cuisine, qui est tout à côté de son misérable cabinet, ses repas qu’ensuite il dévore avec un appétit féroce et même bestial. N’as-tu pas remarqué comme il a adroitement et commodément converti une vieille boîte à couleurs en panier de marché ?

MOI. — Arrière cet homme repoussant !

LE COUSIN. — Pourquoi, repoussant ? Il faut qu’il y ait aussi de ces originaux, a dit un homme qui savait le monde ; et il a raison, car la variété ne peut jamais être assez bizarre. Cependant, puisque cet homme te déplaît tant, cousin, je puis encore sur ce qu’il est, sur ce qu’il fait, te fournir d’autres hypothèses. Quatre Français, et qui plus est quatre Parisiens, un maître de langues, un maître de danse, un maître d’armes et un pâtissier, sont venus en même temps à Berlin pendant leur jeunesse ; comme cela ne pouvait manquer alors, vers la fin du siècle passé, ils y gagnèrent beaucoup d’argent. Depuis le moment où ils se trouvèrent en diligence, ils se lièrent de la plus étroite intimité, ils ne firent plus qu’un cœur et qu’une âme, et, leur travail fini, ils passaient toutes leurs soirées ensemble, comme de vrais Francais, en soupant frugalement et en causant avec animation.

Les jambes du maître de danse se sont rouillées. Le bras du maître d’armes s’est énervé avec l’âge. Des rivaux qui se vantaient de posséder les plus nouvelles locutions parisiennes ont supplanté le maître de langues, et les inventions raffinées du pâtissier ont été surpassées par de jeunes fricoteurs, élèves des plus subtils gastronomes de Paris ; mais chaque membre de ce quatuor si fidèlement uni avait fait de certaines économies. Ils s’installèrent dans un lo-