Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alors, le doux sommeil quitta mes paupières, et je me hâtai de retourner vers la mer et vers la nef rapide. Mais quand je fus près du lieu où celle-ci avait été poussée, la douce odeur vint au-devant de moi. Et, gémissant, je criai vers les Dieux immortels :

— Père Zeus, et vous, dieux heureux et immortels, certes, c’est pour mon plus grand malheur que vous m’avez envoyé ce sommeil fatal. Voici que mes compagnons, restés seuls ici, ont commis un grand crime.

Aussitôt, Lampétiè au large péplos alla annoncer à Hèlios Hypérionide que mes compagnons avaient tué ses bœufs, et le Hypérionide, irrité dans son cœur, dit aussitôt aux autres Dieux :

— Père Zeus, et vous, Dieux heureux et immortels, vengez-moi des compagnons du Laertiade Odysseus. Ils ont tué audacieusement les bœufs dont je me réjouissais quand je montais à travers l’Ouranos étoilé, et quand je descendais de l’Ouranos sur la terre. Si vous ne me donnez pas une juste compensation pour mes bœufs, je descendrai dans la demeure d’Aidès, et j’éclairerai les morts.

Et Zeus qui amasse les nuées, lui répondant, parla ainsi :

— Hèlios, éclaire toujours les Immortels et les hommes mortels sur la terre féconde. Je brûlerai bientôt de la blanche foudre leur nef fracassée au milieu de la sombre mer.

Et j’appris cela de Kalypsô aux beaux cheveux, qui le savait du messager Herméias.

Étant arrivé à la mer et à ma nef, je fis des reproches violents à chacun de mes compagnons ; mais nous ne pouvions trouver aucun remède au mal, car les bœufs étaient déjà tués. Et déjà les prodiges des Dieux s’y manifestaient : les peaux rampaient comme des serpents, et les chairs mugissaient autour des broches, cuites ou crues, et on eût dit