Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/238

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les générations ont vieilli dans leur ville, Apollôn à l’arc d’argent et Artémis surviennent et les tuent de leurs flèches illustres. Il y a deux villes qui se sont partagé tout le pays, et mon père Ktèsios Orménide, semblable aux Immortels, commandait à toutes deux, quand survinrent des Phoinikes illustres par leurs nefs, habiles et rusés, amenant sur leur nef noire mille choses frivoles. Il y avait dans la demeure de mon père une femme de Phoinikiè, grande, belle et habile aux beaux ouvrages des mains. Et les Phoinikes rusés la séduisirent. Tandis qu’elle allait laver, un d’eux, dans la nef creuse, s’unit à elle par l’amour qui trouble l’esprit des femmes luxurieuses, même de celles qui sont sages. Et il lui demanda ensuite qui elle était et d’où elle venait ; et, aussitôt, elle lui parla de la haute demeure de son père :

— Je me glorifie d’être de Sidôn riche en airain, et je suis la fille du riche Arybas. Des pirates Taphiens m’ont enlevée dans les champs, transportée ici dans les demeures de Ktèsios qui leur a donné de moi un bon prix.

Et l’homme lui répondit :

— Certes, si tu voulais revenir avec nous vers tes demeures, tu reverrais la haute maison de ton père et de ta mère, et eux-mêmes, car ils vivent encore et sont riches.

Et la femme lui répondit :

— Que cela soit, si les marins veulent me jurer par serment qu’ils me reconduiront saine et sauve.

Elle parla ainsi, et tous le lui jurèrent, et, après qu’ils eurent juré et prononcé toutes les paroles du serment, la femme leur dit encore :

— Maintenant, qu’aucun de vous, me rencontrant, soit dans la rue, soit à la fontaine, ne me parle, de peur qu’on le dise au vieillard ; car, me soupçonnant, il me chargerait de liens et méditerait votre mort. Mais gardez mes paroles dans votre esprit, et hâtez-vous d’acheter des vivres.