Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/239

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Et quand la nef sera chargée de provisions, qu’un messager vienne promptement m’avertir dans la demeure. Je vous apporterai tout l’or qui me tombera sous les mains, et même je vous ferai, selon mon désir, un autre présent. J’élève, en effet, dans les demeures, le fils de Ktèsios, un enfant remuant et courant dehors. Je le conduirai dans la nef, et vous en aurez un grand prix en le vendant à des étrangers.

Ayant ainsi parlé, elle rentra dans nos belles demeures. Et les Phoinikes restèrent toute une année auprès de nous, rassemblant de nombreuses richesses dans leur nef creuse. Et quand celle-ci fut pleine, ils envoyèrent à la femme un messager pour lui annoncer qu’ils allaient partir. Et ce messager plein de ruses vint à la demeure de mon père avec un collier d’or orné d’émaux. Et ma mère vénérable et toutes les servantes se passaient ce collier de mains en mains et l’admiraient, et elles lui offrirent un prix ; mais il ne répondit rien ; et, ayant fait un signe à la femme, il retourna vers la nef. Alors, la femme, me prenant par la main, sortit de la demeure. Et elle trouva dans le vestibule des coupes d’or sur les tables des convives auxquels mon père avait offert un repas. Et ceux-ci s’étaient rendus à l’agora du peuple. Elle saisit aussitôt trois coupes qu’elle cacha dans son sein, et elle sortit, et je la suivis sans songer à rien. Hèlios tomba, et tous les chemins devinrent sombres ; et nous arrivâmes promptement au port où était la nef rapide des Phoinikes qui, nous ayant mis dans la nef, y montèrent et sillonnèrent les chemins humides ; et Zeus leur envoya un vent propice. Et nous naviguâmes pendant six jours et six nuits ; mais quand le Kroniôn Zeus amena le septième jour, Artémis, qui se réjouit de ses flèches, tua la femme, qui tomba avec bruit dans la sentine comme une poule de mer et les marins la jetèrent pour être mangée par les poissons et par les phoques, et je restai seul, gé-