Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/38

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Akhilleus a ramené en sûreté les Myrmidones habiles à manier la lance. Philoktètès, l’illustre fils de Paian, a aussi ramené les siens, et Idoméneus a reconduit dans la Krètè ceux de ses compagnons qui ont échappé à la guerre, et la mer ne lui en a ravi aucun. Tu as entendu parler de l’Atréide, bien qu’habitant au loin ; et tu sais comment il revint, et comment Aigisthos lui infligea une mort lamentable. Mais le meurtrier est mort misérablement, tant il est bon qu’un homme laisse un fils qui le venge. Et Orestès a tiré vengeance d’Aigisthos qui avait tué son illustre père. Et toi, ami, que je vois si beau et si grand, sois brave, afin qu’on parle bien de toi parmi les hommes futurs.

Et le prudent Tèlémakhos lui répondit :

— Ô Nestôr Nèlèiade, grande gloire des Akhaiens, certes, Orestès a tiré une juste vengeance, et tous les Akhaiens l’en glorifient, et les hommes futurs l’en glorifieront. Plût aux Dieux que j’eusse la force de faire expier aux prétendants les maux qu’ils me font et l’opprobre dont ils me couvrent. Mais les Dieux ne nous ont point destinés à être honorés, mon père et moi, et, maintenant, il me faut tout subir avec patience.

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

— Ô ami, ce que tu me dis m’a été rapporté, que de nombreux prétendants, à cause de ta mère, t’opprimaient dans ta demeure. Mais, dis-moi, souffres-tu ces maux sans résistance, ou bien les peuples, obéissant à l’oracle d’un Dieu, t’ont-ils pris en haine ! Qui sait si Odysseus ne châtiera pas un jour leur iniquité violente, seul, ou aidé de tous les Akhaiens ? Qu’Athènè aux yeux clairs puisse t’aimer autant qu’elle aimait le glorieux Odysseus, chez le peuple des Troiens, où, nous, Akhaiens, nous avons subi tant de maux ! Non, je n’ai jamais vu les Dieux aimer aussi manifestement un homme que Pallas Athènè aimait Odysseus.