Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/446

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Roi Hèlios, l’illustre fils de Hypériôn, entendit aussi la Vierge invoquer le Père Kroniôn ; mais celui-ci était assis loin des Dieux, dans un temple aux nombreux suppliants, où il acceptait les beaux sacrifices des hommes mortels.

Et le frère de son père, l’Insatiable qui commande à beaucoup, l’illustre fils de Kronos, avec des chevaux immortels, enleva de force la jeune Vierge, par la volonté de Zeus. Et aussi longtemps que la Déesse vit la terre et l’Ouranos étoilé, et l’abîme de la mer poissonneuse, et la lumière de Hèlios, elle espéra voir encore sa mère vénérable et les tribus des Dieux éternels, et l’espérance charma sa grande âme, malgré sa douleur.

Et les cimes des montagnes et les profondeurs de la mer résonnaient de sa voix immortelle, et sa mère vénérable l’entendit. Et une âpre douleur entra dans son cœur, et elle arracha de ses mains les bandelettes de ses cheveux ambroisiens, et, jetant un voile bleu sur ses deux épaules, elle s’élança, telle qu’un oiseau, cherchant sur la terre et sur la mer.

Mais personne ne voulut lui dire la vérité, aucun d’entre les Dieux, ni d’entre les hommes, ni d’entre les oiseaux ; et aucun messager véridique ne vint vers elle. Et, pendant neuf jours, la vénérable Dèmètèr erra sur la terre, tenant en mains des torches ardentes, et, dans sa douleur, ne goûtant ni à l’ambroisie, ni au doux nektar, et ne baignant point son corps. Mais quand la brillante Eôs revint pour la dixième fois, Hékatè, portant une lumière en main, la rencontra, et, lui donnant des nouvelles, lui dit :

— Vénérable Dèmètèr, qui dispenses les saisons et les beaux présents, qui d’entre les Dieux Ouraniens ou les hommes mortels a enlevé Perséphonè et affligé ton cher cœur ? En effet, j’ai entendu sa voix, mais je n’ai point vu de mes yeux qui l’enlevait. Je te dis promptement toute la vérité.