Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/448

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par ses menaces, entraînèrent aussitôt le char rapide, les ailes déployées comme des oiseaux.

Mais une douleur plus amère et plus accablante envahit le cœur de Dèmètèr ; et, irritée contre le Kroniôn qui amasse les noires nuées, fuyant le haut Olympos et l’agora des Dieux, elle alla vers les villes des hommes et les grasses cultures, en dérobant pour longtemps sa beauté. Et personne, parmi les hommes et les femmes aux larges ceintures qui la virent, ne la reconnut, avant qu’elle fût arrivée dans la demeure du prudent Kéléos, qui, alors, était roi de l’odorante Eleusis.

Et elle s’assit au bord de la route, affligée au fond du cœur, non loin du puits Parthénien, où puisaient les citoyens, à l’ombre, car un olivier touffu croissait au-dessus d’elle. Et elle était semblable à une très vieille femme privée du pouvoir d’enfanter et des dons d’Aphrodite qui aime les couronnes. Telles sont les nourrices des fils des Rois qui gardent la justice, ou leurs intendantes, dans les demeures sonores.

Et les filles de l’Eleusinien Kéléos la virent, en venant puiser de l’eau pour la porter, dans des urnes d’airain, aux chères demeures de leur père. Et elles étaient quatre, telles que des Déesses, ornées de la fleur de la jeunesse, Kallidikè, Kleisidikè, la belle Dêmô et Kallithoè qui était l’aînée de toutes. Et elles ne la reconnurent pas. En effet, les Dieux sont peu aisément manifestes aux mortels. Et, s’approchant d’elle, elles lui dirent ces paroles ailées :

— Qui es-tu et d’où viens-tu, vieille femme, contemporaine des anciens hommes ? Pourquoi restes-tu loin de la ville et n’approches-tu point des demeures ? Là, dans nos demeures pleines d’ombre, des femmes de ton âge et d’autres plus jeunes t’accueilleront avec bienveillance, en paroles et en actions.