Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/136

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de crier à tout propos : « Mille tonnerres de nom d’un diable ! » Ce grand homme qui parlait comme Moïse et comme Platon jurait quelquefois comme un chiffonnier.

On a dit qu’en entrant chez Lamartine on croyait marcher sur des nuages. C’est qu’on ne se sentait pas chez un simple mortel. S’il y avait de l’Olympe chez Victor Hugo, il y avait du septième ciel chez Lamartine. Oui, on franchissait son seuil dans la symphonie des Méditations et des Recueillements, on avait toujours peur de faire la Chute d’un ange.

Rien n’était moins poétique que Lamartine chez lui, jouant l’homme politique et parlant de ses vers comme de futilités féminines. Chez lui, il n’habillait pas mieux sa pensée que son corps ; ayant l’horreur de l’argent, il n’était préoccupé que de la question d’argent. Je ne parle pas ici de ses grandes heures où les beaux vers lui tombaient des lèvres. Quand il y avait en lui du dieu et de l’apôtre, il était sublime ; mais l’homme retombé n’était plus