Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/16

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Sainte-Beuve mourut avec la conscience légère. Il avait fait de belles choses, il avait ouvert ses mains pleines de vérités, quelquefois pleines d’argent : il pouvait s’en aller. Victor Hugo n’a pas dit, en mourant, s’il croyait à Dieu ; ce qui est certain, c’est qu’il croyait en l’immortalité de son âme, sinon dans l’immortalité de toutes les âmes. Sainte-Beuve, qui avait été un chrétien fervent, avait mis de côté Dieu le père comme Dieu le fils. On en a la preuve, non parce qu’il se fit enterrer civilement, mais parce qu’un de ses derniers mots fut celui : « Rien dessus, rien dessous. » Ceux qui ont vu Sainte-Beuve jeune ne l’ont pas trouvé plus beau que Sainte-Beuve vieux. Ô cruelle nature, qui donne à un poète le sentiment du beau et la soif d’être aimé, quand elle n’a revêtu leur âme que d’un masque comique ! Rien n’était venu à point dans la figure de Sainte-Beuve ; quelques rares cheveux roux, des oreilles en plat à barbe, un front sillonné