Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/17

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dès l’aurore, des joues luisantes et colorées dans un visage légèrement orangé, un petit nez en éveil, des yeux vifs, mais mal enchâssés, une bouche gourmande mais décolorée, un menton fuyant où la barbe était mal semée ; le tout sur un corps gros et court. Sainte-Beuve avait, pour ainsi dire, vaincu la nature. Une suprême intelligence rayonnait sur son front, l’esprit éclatait dans ses yeux, la bonté animait son sourire. Mais il ne fallait pas le mettre en colère, car tout son travail de retouche s’effaçait dans la laideur primitive.

Le nuage passait vite.

Il avait beau faire, il n’arrivait pas à changer sa figure. Il lui fallait vivre et aimer la sienne. Il ne se fit jamais d’illusions. Pauvre Sainte-Beuve ! a-t-il dit plus d’une fois en se regardant dans un miroir. C’est que son idéal, son souverain idéal, fut toujours d’être aimé, même jusqu’à la fin. Aimé ! il l’était par ses amis ; il ne l’était pas par les femmes.