Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/23

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Sainte-Beuve, qui, on le sait, un jour d’orage, s’était battu au pistolet, un parapluie à la main, voulant bien être tué mais ne voulant pas être mouillé, portait toujours son parapluie légendaire. Le voilà qui s’escrime vaillamment contre le garde national, lequel avait aussi le parapluie légendaire de son roi-citoyen. Vrai duel au réverbère. L’homme à la tunique est repoussé avec perte et ramasse son parapluie, que Sainte-Beuve a fait voler à six pas de là. — Le poète repart en avant, reprenant le bras de Roxelane.

— Je suis mariée, murmure-t-elle, mais je suis séparée.

— Je vois bien, lui dis-je en riant.

Et j’accompagne les fugitifs dans le souci d’un autre duel.

Sainte-Beuve n’était pas au bout de ses peines. Dans la peur qu’elle ne rencontrât son mari, il voulut accompagner la dame jusque chez elle, place de la Sorbonne. Quand elle arriva sur la place, elle poussa un cri digne