Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/82

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les fabriques de soie ; l’une était une réjouie, chantant toute la journée ; l’autre était une rêveuse et une pensive qui ne chantait jamais. Celle-ci ne courait pas les fêtes ; dès qu’elle avait une heure à perdre, c’était pour feuilleter les livres pieux, mais elle ne faisait pas étalage de ses aspirations religieuses. Tout attristée qu’elle fût, il y avait au coin de ses lèvres un vague sourire qui lui ouvrait tous les cœurs.

Camille était jolie dans son épanouissement ; Blanche était belle dans sa dignité presque glaciale. Camille s’empourprait et rayonnait dans ses robes, parce qu’elle aimait les couleurs voyantes ; Blanche aimait les couleurs éteintes comme si elle eût eu peur d’offenser sa vertu par des tons violents.

Dans la rue, tout le monde regardait la première, tandis que Blanche passait inaperçue, hormis pour les artistes et les rêveurs ; mais elle n’inspirait que le sentiment de l’idéal. Camille disait de sa sœur : « Voyez-vous, ma sœur, ce n’est pas une femme, c’est un reve-