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MODIFICATIONS DE l’ARCHET. 51

gination, ce talisman qui nous transporte hors du monde réel et nous fait éprouver les plus ineffables jouissances de l’idéal ; l’archet, comme toutes les créations de l'homme, a commencé par de timides essais ; ses premiers éléments ont été de légers bambous, de flexibles roseaux courbés en arc et tendus par une mèche de crins gros- sièrement attachés aux deux extrémités. Des milliers d’années peut-être s’écoulèrent avant qu’on songeât à perfectionner cette construction primitive.» (1)

Au seizième siècle, l’archet commença à se perfectionner ; c’est alors qu’on voit la baguette, tantôt ronde, tantôt coupée à cinq pans, s’amincir en approchant de la tête, et cette même tête s’allonger démesurément. Dans le siècle suivant, l’art de jouer des instruments à archet se perfectionne ; on reconnaît la nécessité de modifier les degrés de tension du crin en raison de la musique qui

(1) Les premières modifications importantes de l’archet paraissent appartenir à l’Arabie ; car on le voit représenté avec une hausse fixe parmi les ornements d’un recueil de poésies, dont le manuscrit, exécuté au temps des premiers califes, a appartenu à Langlès, conservateur des manuscrits orientaux de la Bibliothèque Nationale de Paris, au commencement de ce siècle, et a passé, après sa mort, dans la Bibliothèque impériale de Vienne. Fétis possédait un archet de ce genre, fait à Bagdad, en bois de cerisier, avec une tête où la mèche est retenue, et avec une hausse fixée dans une entaille à queue d’aronde de la baguette.

Une figure d’instrument à archet tirée d’un manuscrit du neuvième siècle, par l’abbé Gerbert, fait voir une disposition inverse de l’archet ; car c’est la tète qui a une élévation considérable, d’où part la mèche de crins, laquelle vient, en s’abaissant, s’attacher à la baguette même sous la main de l’exécutant. Des archets du même genre, et grossièrement exécutés, se voient dans quelques monuments du onzième siècle ; mais au siècle suivant, et surtout dans le treizième, des améliorations considérables y sont introduites : on voit à cette époque, dans les figures de quelques manuscrits et de certains monuments d’architecture, des archets dont la hausse est à la hauteur de la tète, et qui sont presque droits. Les archets des rebecs sont des arcs façonnés avec peu de soin ; leur construction peut faire juger du peu d’habileté des ménétriers qui en faisaient usage.