Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/168

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Il n’y a plus de sucre à Paris que pour dix jours. Le rationnement pour la viande a commencé aujourd’hui. On aura un tiers de livre par tête et par jour.

Incidents de la Commune ajournée. Mouvements fiévreux de Paris. Rien d’inquiétant, d’ailleurs. Le canon prussien gronde en basse continue. Il nous recommande l’union.

Le ministre des finances, M. Ernest Picard, me fait demander une audience, tels sont les termes, par son secrétaire, M. G. Pallain. J’ai indiqué lundi matin 10 octobre.


10 octobre. — M. Ernest Picard, ministre des finances, est venu me voir. Je lui ai demandé un décret immédiat pour libérer tous les prêts du Mont-de-Piété au-dessous de 15 francs (le décret actuel faisant des exceptions absurdes, le linge par exemple). Je lui ai dit que les pauvres ne pouvaient pas attendre. Il m’a promis le décret pour demain.

On n’a pas de nouvelles de Gambetta. On commence à être inquiet.

Le vent le poussait au Nord-Est, occupé par les prussiens.


11 octobre. — Bonnes nouvelles de Gambetta. Il est descendu à Épineuse, près Amiens.

Hier soir, après les agitations de Paris, en passant près d’un groupe amassé sous un réverbère, j’ai entendu ces mots : Il paraît que Victor Hugo et les autres… J’ai continué ma route et n’ai pas écouté le reste, ne voulant pas être reconnu.

Après le dîner, j’ai lu à mes amis les vers qui ouvriront l’édition française des Châtiments (Au moment de rentrer en France, Bruxelles, 31 août 1870).

Il commence à faire froid.


12 octobre. — Barbieux, qui commande un bataillon, nous a apporté le casque d’un soldat prussien tué par ses hommes. Ce casque a beaucoup étonné Petite Jeanne. Ces anges ne savent encore rien de la terre.


13 octobre. — Le décret que j’ai demandé pour les indigents est ce matin, 13 octobre, au Journal officiel.

M. Pallain, secrétaire du ministre, que j’ai rencontré aujourd’hui en sortant du Carrousel, m’a dit que ce décret coûterait 800 000 francs.

Je lui ai répondu : 800 000 francs, soit. Ôtés aux riches. Donnés aux pauvres.