Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/170

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Louis Blanc et Brives sont venus me reparler de la Déclaration des représentants. Je suis d’avis de l’ajourner.

Rien de charmant, le matin, comme la diane dans Paris. C’est le point du jour. On entend d’abord, tout près de soi, un roulement de tambours, puis une sonnerie de clairons, mélodie exquise, ailée et guerrière. Puis le silence se fait. Au bout de vingt secondes, le tambour recommence, puis le clairon, chacun répétant sa phrase, mais plus loin. Puis cela se tait. Un instant après, plus loin, même chant du tambour et du clairon, déjà vague, mais toujours net. Puis, après une pause, la batterie et la sonnerie reprennent, très loin. Puis encore une reprise, à l’extrémité de l’horizon, mais indistincte et pareille à un écho. Le jour paraît, et l’on entend ce cri : Aux armes ! C’est le soleil qui se lève et Paris qui s’éveille.


L’édition des Châtiments tirée à 3 000 est épuisée en deux jours. J’ai signé ce soir un second tirage de 3 000.


22 octobre. — Petite Jeanne a imaginé une façon de bouffir sa bouche en levant les bras en l’air qui est adorable.

Les cinq mille premiers exemplaires de l’édition parisienne des Châtiments m’ont rapporté 500 francs que j’envoie au Siècle et que j’offre à la souscription nationale pour les canons dont Paris a besoin.

Les anciens représentants Mathé et Gambon sont venus me demander de faire partie d’une réunion dont les anciens représentants seraient le noyau. La réunion est impossible sans moi, m’ont-ils dit. Mais je vois à cette réunion plus d’inconvénients que d’avantages. Je crois devoir refuser.

Nous mangeons du cheval sous toutes les formes. J’ai vu à la devanture d’un charcutier cette annonce : Saucisson chevaleresque.


23 octobre. — Le 17e bataillon me demande d’être le premier souscripteur a un sou pour un canon. On recueillera 300 000 sous. Cela fera 15 000 francs et l’on aura une pièce de 24 centimètres portant à 8 500 mètres, égale aux canons Krupp.

Le lieutenant Maréchal apporte pour recueillir mon sou une coupe d’onyx égyptienne datant des Pharaons, portant gravés la lune et le soleil, la grande Ourse et la Croix du Sud (?)[1] et ayant pour anses deux démons cynocéphales. Il a fallu pour graver cette coupe le travail de la vie d’un homme. J’ai donné mon sou. D’Alton-Shée, qui était là, a donné le sien, ainsi que M. et Mme  Meurice, et les deux bonnes, Mariette et Clémence. Le 17e bataillon voulait

  1. Le point d’interrogation est dans le manuscrit. (Note de l’éditeur.)