Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/174

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12 novembre. — Mlle Périga est venue répéter chez moi Pauline Roland, qu’elle lira à la deuxième lecture des Châtiments affichée pour demain à la Porte-Saint-Martin. J’ai pris une voiture, j’ai reconduit Mlle Périga chez elle, et je suis allé à la répétition de la lecture de demain au théâtre. Il y avait Frédérick Lemaître, Berton, Maubant, Taillade, Lacressonnière, Charly, Mmes Marie Laurent, Lia Félix, Rousseil, M. Raphaël Félix et les membres du Comité de la Société des gens de lettres.

Après la répétition, les blessés de l’ambulance de la Porte-Saint-Martin m’ont fait prier par Mme Laurent de les venir voir. J’ai dit : — De grand cœur, et j’y suis allé.

Ils sont couchés dans plusieurs salles, dont la principale est l’ancien foyer du théâtre à grandes glaces rondes, où j’ai lu, en 1831, Marion de Lorme aux acteurs, M. Crosnier étant directeur (Mme Dorval et Bocage assistaient à cette lecture).

En entrant, j’ai dit aux blessés : — Vous voyez un envieux. Je ne désire plus rien sur la terre qu’une de vos blessures. Je vous salue, enfants de la France, fils préférés de la République, élus qui souffrez pour la patrie.

Ils semblaient très émus. J’ai pris la main à tous. Un m’a tendu son poignet mutilé. Un n’avait plus de nez. Un avait subi le matin même deux opérations douloureuses. Un tout jeune avait reçu, le matin même, la médaille militaire. Un convalescent m’a dit ; — Je suis franc-comtois. — Comme moi, ai-je dit. Et je l’ai embrassé. Les infirmières, en tabliers blancs, qui sont les actrices du théâtre, pleuraient.


13 novembre. — J’ai eu à dîner M. et Mme Paul Meurice, Vacquerie et Louis Blanc. On a dîné à six heures à cause de la lecture des Châtiments, la deuxième, qui commençait à sept heures et demie à la Porte-Saint-Martin. Loge offerte par moi à Mme Paul Meurice pour la deuxième lecture des Châtiments.


14 novembre. — La recette des Châtiments, hier soir, a été (sans la quête) de 8 000 francs.

Bonnes nouvelles. Le général d’Aurelle de Paladines a repris Orléans et battu les prussiens. Schœlcher est venu me l’annoncer.


15 novembre. — Visite de M. Arsène Houssaye[1] avec Henri Houssaye, son fils. Il va faire dire Stella chez lui au profit des blessés.

  1. Romancier, critique, poète, auteur dramatique, rédacteur en chef de l’Artiste ; puis, en 1849, administrateur de la Comédie-Française, en 1856, inspecteur général des musées de province. (Note de l’éditeur.)