Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/197

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Après le dîner, nous sommes allés chez Gent, quai des Chartrons, à la réunion de la gauche. Mes fils m’accompagnaient. On a discuté la question du chef du pouvoir exécutif. J’ai fait ajouter à la définition : nommé par l’Assemblée et révocable par elle.

Le général Cremer est venu nous rendre compte des dispositions de l’armée.


17 février. — Gambetta, à l’Assemblée, m’a abordé et m’a dit : — Mon maître, quand pourrais-je vous voir ? J’aurais bien des choses à vous expliquer.

Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif. Il doit partir cette nuit pour Versailles, où est la Prusse.


18 février. — Ce soir, réunion de la gauche, rue Lafaurie-Monbadon. La réunion m’a choisi pour président. Ont parlé Louis Blanc, Schœlcher, le colonel Langlois, Brisson, Lockroy, Millière[1] (pourquoi parmi nous ?), Clemenceau, Martin Bernard, Joigneaux. J’ai parlé le dernier et résumé le débat. On a agité des questions graves, le traité Bismarck-Thiers, la paix, la guerre, l’intolérance de l’Assemblée, le cas d’une démission à donner en masse.


19 février. — Le président du Cercle national de Bordeaux est venu mettre ses salons à ma disposition.

Mon hôtesse, Mme Porte, fort jolie femme, m’a envoyé un bouquet.

Thiers a nommé ses ministres. Il prend le titre équivoque et suspect de président chef du pouvoir exécutif.

L’Assemblée s’ajourne. On sera convoqué à domicile.

Nous avons dîné à la maison. Puis nous sommes allés, Victor et moi, à la réunion de la gauche que j’ai présidée.


20 février. — Aujourd’hui encore le peuple m’a acclamé comme je sortais de l’Assemblée. La foule en un instant est devenue énorme. J’ai été forcé de me réfugier chez Martin Bernard qui demeure dans une rue voisine de l’Assemblée.

J’ai parlé dans le 11e bureau. La question de la magistrature (qui nous fait des pétitions pour que nous ne la brisions pas) est venue à l’improviste. J’ai bien parlé. J’ai un peu terrifié le bureau.

  1. Millière avait pris part, le 31 octobre 1870, au mouvement insurrectionnel contre le Gouvernement de la Défense nationale. (Note de l’éditeur.)